Introduction
Ludification, Gamification, Serious Games, Serious Gaming, ludopédagogie sont autant de termes qui ressortent ces dernières années pour décrire de nouveaux outils pédagogiques. Il n'y a qu'à constater le succès des escape games pédagogiques dans les nouvelles pratiques de classe pour se rendre compte que ces nouvelles approches pédagogiques s'installent peu à peu dans l'esprit des enseignants. Au-delà de l'aspect attractif de ce type de ludification, pourquoi un tel succès ? Ludifier un contenu pédagogique peut-il être un véritable levier d'apprentissage ?
Définitions et objectifs⚓
#Gamification : mettre du jeu dans du non ludique ;
#SeriousGame : mettre du contenu utilitaire dans un jeu ;
La Ludification (ou gamification) utilise des mécanismes et leviers empruntés aux jeux dans un contexte qui en est dépourvu à l'origine, comme une situation d'apprentissage par exemple.
Il ne s'agit pas d'introduire un jeu en tant que tel dans un contexte pédagogique mais d'utiliser certains de ces rouages.
Cette situation ludifiée devra s'appuyer sur les 5 critères qui délimitent le jeu, concepts définis et développés par Gilles Brougères dans son ouvrage « Jouer/apprendre (2005) »
, Johan Huizinga dans son ouvrage « Homo Ludens (1938) »
et par Roger Caillois dans son ouvrage « Les Jeux et Les hommes (1958) »
.
Si l'on applique ces critères à l'activité de l'élève, l'élève joue :
s'il choisit de s'engager dans l'action (1), de lui-même ou suite à un processus d'adhésion
si ses actes s'inscrivent dans une réalité qui est la sienne, sans conséquence sérieuse dans le monde réel (2)
s'il décide librement de ses modalités d'action (3), dans un cadre défini (règles sociales ou/et règles de jeu)
si l'activité est limitée en temps et dans l'espace (4)
si les finalités du jeu sont incertaines (5) (les élèves qui adhèrent à l'activité ne savent pas qui va gagner au final)
« Source : »
« document de cadrage Eduscol : Ressources maternelle : Jouer et Apprendre (septembre 2015) »
article complet sur : https://disciplines.ac-toulouse.fr/documentation/la-ludification-d-un-contenu-pedagogique-un-nouveau-mode-d-apprentissage
Complément :
Les escape-game couvrent l'ensemble de ces critères. En effet, l'engagement et l'adhésion de l'élève sont liés au scenario qui le plus souvent donne envie, interpelle le joueur. Le scenario n'a aucun impact sur le monde réel de l'élève pour autant la quête peut parfois faire sens dans le réalité de celui-ci. Le cadre est défini : une pièce, un temps imparti, une équipe de joueur pour autant les joueurs ne savent pas si ils vont gagner.
Intérêts de la ludification⚓
Avoir recours à des mécaniques empruntées au jeu permet de faciliter la motivation à court terme en proposant des ressorts ludiques comme :
Attention :
Il est important d'être vigilant en fonction du profil des joueurs. En effet, la notion de classement, de points peut parfois être néfastes pour certains élèves. Si ces éléments sont présents, il faudra penser à accompagner le/les joueur(s) afin que l'activité "ludique" ne soit pas source de difficulté.
Par ailleurs, il est envisageable de motiver à long terme en faisant appel à des mécaniques intrinsèques au jeu : plaisir pour jouer, autonomie, apprentissage, pouvoir, amour/émotions ou encore identité de groupe.
La ludification permettrait également de :
Personnaliser l'apprentissage
Lutter contre le mauvais stress (dédramatisation de l'erreur)
Favoriser l'entraide
Obtenir des feed-back réguliers
Si la ludification est réfléchie comme une activité de groupe, elle favorisera bien évidemment la cohésion d'équipe et encouragera les échanges et les confrontations d'idées.
Éléments de la ludification⚓
Pour développer les usages de la ludification, il est important de connaître les concepts inhérents au jeu. Si plusieurs référentiels existent, nous pouvons nous baser sur les travaux de Yu-Kai Chou, pionnier de la gamification depuis 2003 et intervenant pour l'université de Stanford. Le modèle proposé par Chou, l'octalysis, permet d'évaluer le degré de gamification d'une activité.
Sarah Lachise reprend les 8 concepts fondamentaux que constituent la gamification.
le sens épique : donner du sens à une action, donner l'impression d'une implication dans une mission qui dépasse le joueur ;
l'accomplissement : validation de compétences, de niveaux, de progression ;
l'acquisition : obtention d'un statut, d'un avatar ;
la rareté : saisir l'opportunité quand elle se présente ;
l'évitement : la peur de perdre ;
la curiosité et l'imprévisibilité : avoir l'envie de découvrir la suite, ne pas savoir à quoi s'attendre ;
le social : travail en collaboration ou compétition ;
l'empowerment : l'amélioration de ses capacités, la créativité.
Afin d'être complètement ludifiée, une activité doit s'appuyer sur l'utilisation maximale de ces huit concepts.
Complément :
Dans le cas des escape-game pédagogiques, l'ensemble des 8 concepts sont réunis :
Le principe même du jeu donne du sens car les joueurs ont une mission à mener dans un temps limité.
Des objectifs pédagogiques clairs permettent de travailler ou valider des compétences. De plus, le scenario est construit afin de permettre une progression au fur et à mesure du jeu.
Le jeu amène souvent le joueur a prendre un rôle.
Le temps défilant, le joueur cherche à gagner et à donc éviter de perdre par tous les moyens
Le principe du jeu veut que le joueur soit curieux, cherche pour pouvoir aller plus loin.
Le jeu peut être coopératif, collaboratif ou compétitif. Toutefois, une des compétences les plus utilisées et recherchées pédagogiquement parlant va être de savoir travailler en équipe dans le but de réussir un travail commun. C'est pourquoi les escape-game pédagogique sont peu voir pas compétitif.
L'intelligence collective utile à ce type de jeu permet une amélioration commune des capacités de chacun. De plus, le concept même du jeu oblige les élèves à une certaine créativité dans la résolution des énigmes.
Mise en place de la ludification⚓
Lors de la création d'une activité ludifiée, l'objectif d'apprentissage doit être clairement défini.
L'enjeu est de bien calibrer la difficulté, afin de conserver l'attention des apprenants. L'idée est de s'inspirer d'un des concepts utilisés dans beaucoup de jeux vidéo d'aventure qui est l'ajustement dynamique de difficulté (ADD). Certains jeux vidéo sont en effet construits pour offrir au joueur un apprentissage progressif, continu et logique, adapté aux compétences et performances du joueur. Ainsi la difficulté du jeu est adaptée à la progression de l'élève dans le jeu, les épreuves proposées ne sont ni trop faciles ni trop difficiles.
Les dynamiques de groupe sont à considérer ; les interactions interpersonnelles peuvent influencer la disposition affective de l'élève.
« Le jeu est surtout utilisé pour permettre à l'apprenant de se mettre en situation, dans le cadre de jeux de rôle par exemple. Le participant relève des challenges, se place dans une situation fictive proche du réel (on se rapproche ici beaucoup des mécanismes du “learning by doing”). L'enjeu du dispositif gamifié est de permettre le développement de capacités et d'habiletés. Ensuite, le jeu est constitutif d'une atmosphère bienveillante, propice à l'acquisition de connaissances ». (Marine Loyen, Responsable communication de l'organisme de formation professionnel Unow)